Espoir ou doutes: quelles prévisions pour 2023 dans le secteur de la menuiserie?
2023: légère récession ou relance?
2022 a été pour beaucoup une leçon d'humilité. "Nous réalisons plus que jamais que nous devons vraiment être sur nos gardes. Si un seul événement dans le monde peut faire s'écrouler l'économie du jour au lendemain, vous réalisez alors à quel point votre bien-être est fragile", affirme l'agenceur d'intérieurs Wilfried Van Overstraeten, résumant ainsi correctement le sentiment général. Peut-on enfin espérer mieux en 2023? L'envie de posséder une boule de cristal a été exprimé à plusieurs reprises, mais même sans, chacun a quand même osé se risquer à des prévisions prudentes.
Marc Demares (Lamello) pense que le pic de l'inflation est derrière nous et que l'on peut s'attendre à une légère relance de l'économie. "Personnellement, je fixe mon objectif à +8%, et tant que la guerre ne s'intensifie pas, cela devrait être faisable. Il est évident que nous sommes plus optimistes aujourd'hui que fin de l'année dernière."
Wim Verhoeven (Soudal) n'ose pas citer un chiffre, mais s'attend également à ce que la croissance soit réalisable. "Ce n'est pas pour rien si notre propriétaire a adopté la comme devise 'nous ne participons pas à la crise', mais nous observons évidemment ce qui se passe sur le marché. J'ai effectivement le sentiment que ce marché se reprend un peu." Si cette relance ne devait pas se produire pour quelque raison que ce soit, Wim pense que l'impact sur Soudal serait limité. "Chaque crise entraîne des opportunités et nous pourrons toujours les exploiter grâce à notre large gamme de produits. La construction étanche à l'air, par exemple, gagne aujourd'hui du terrain et nous avons développé pour celle-ci une solution complète. Avec la flambée des prix de l'énergie, encore plus de personnes vont isoler leur maison. Une tendance à laquelle nous pouvons répondre correctement avec nos mousses PU."
Sandy Van Der Vreken (Festool) mise également sur un scénario positif. Même si cela s'avère être un vœu pieux, il est tout simplement préférable d'envisager le positif, estime-t-elle. "L'inflation commence à s'atténuer et les économistes prévoient que la situation pourrait rester difficile encore un petit temps, mais pas dans les proportions de l'année dernière." Autre élément très important pour Festool: les problèmes d'approvisionnement semblent être derrière nous. De telle sorte que, contrairement à l'an dernier, les outils seront à nouveau facilement disponibles. "Nous sommes par exemple extrêmement ravis que notre encolleuse de chants soit bientôt à nouveau disponible. Non seulement été confrontés à une pénurie de pièces pour cette machine, mais nous avons également dû l'adapter aux nouvelles normes européennes. Certains clients ont dû attendre plus d'un an pour l'obtenir."
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Qui est qui?
- Marc Demares: CEO de Lamello Belgium, spécialiste des connecteurs pour panneaux et des machines à bois.
- Alain Van Der Kuylen: directeur d'Ostermann Belux, spécialisé dans les bandes de chant, ferrures pour meubles, produits encastrables et fournitures pour atelier.
- Sandy Van Der Vreken: marketing manager du fabricant de machines Festool Belgium.
- Wim Van Loon: directeur de l'atelier de fabrication d'escaliers Ambachtelijke Trappenmakerij Wim Van Loon.
- Wilfried Van Overstraeten: directeur de l'entreprise d'aménagement intérieur Van Overstraeten.
- Wim Verhoeven: Country Director Belux chez Soudal, producteur et fournisseur de mastics, colles et mousses PU.
- Bruno Vermote: directeur de ROBACO, fournisseur spécialisé notamment dans les adhésifs, les chants et les outils de coupe, et qui possède son propre service d'affûtage.
Ralentissement du marché de l'aménagement intérieur
Bruno Vermote (Robaco), en revanche, pense que le secteur de l'aménagement intérieur va encore connaître un creux. "Nous entendons effectivement dire que le gros œuvre des grands projets ralentit et que ce ralentissement se fera ensuite également sentir dans l'aménagement intérieur. Il est difficile d'estimer quand ce sera précisément le cas et combien de temps cela durera. Après toutes les nouvelles négatives, les signaux sont heureusement redevenus un peu plus positifs et j'espère que les gens vont bientôt retrouver la confiance nécessaire pour poursuivre leurs projets et investir quand même." Pour le spécialiste en aménagement intérieur Van Overstraeten, l'année a déjà commencé de manière très chargée. "Nous sentons que la demande sur le marché privé baisse fortement pour l'instant, mais cela pourrait à nouveau changer rapidement en fonction de la situation en Ukraine. Pour l'instant, nous ne sommes pas trop inquiets pour ce qui concerne 2023. Je remarque toutefois que le fossé entre les riches et les pauvres se creuse de plus en plus."
Alain Van Der Kuylen (Ostermann) table lui aussi sur un ralentissement du marché de l'aménagement intérieur. "Pour les premiers mois, les carnets de commandes des menuisiers travaillant pour des particuliers sont encore bien remplis, mais c'est là une conséquence des projets de construction qui avaient été entamés avant la crise. Néanmoins, les clients affirment qu'il y a moins de commandes qui rentrent, c'est pourquoi nous prévoyons un creux après les congés du bâtiment. Ce ralentissement est déjà bien là pour les bureaux et les bâtiments publics. Le travail hybride a fortement réduit la demande de mobilier de bureau neuf. Cette situation va rogner notre chiffre d'affaires, mais nous n'allons pas changer radicalement notre approche pour un creux qui pourrait durer seulement quelques mois."
Bruno Vermote n'a pas pas non plus l'intention de changer son fusil d'épaule. "Ces dernières années ont démontré que notre approche était la bonne. Nous allons suivre la situation de près, mais principalement continuer dans la même lignée." Il prévoit tout de même que certaines entreprises devront prendre des décisions difficiles en 2023. "Avec toutes les augmentations des coûts - de l'énergie aux coûts salariaux, les temps seront durs pour celles qui n'ont pas de réserves. Pour couvrir ces coûts, il faudra de toute façon déjà faire beaucoup mieux que l'année dernière rien que pour atteindre le même résultat. Avec une demande en baisse, ce sera compliqué. Ceux qui en ont besoin voudront pratiquer des prix très compétitifs."
Les défis ne manquent pas
2023 sera une année pleine de défis, mais l'envie de les relever chez nos interlocuteurs ne manque pas. La vie est, en soi, un grand défi, ils le savent. Et, ne pas avancer, c'est reculer. Lamello, par exemple, tente de s'adapter aux changements constants sur le marché des matériaux. "Autrefois, les panneaux étaient composés exclusivement de bois, mais aujourd'hui, de nouvelles solutions font constamment leur apparition, souvent basées sur des matériaux recyclés. Et même si le papier reste très important, nous voulons aussi nous profiler beaucoup plus via les canaux numériques. Aujourd'hui, les jeunes font tout sur leur téléphone. L'an dernier, nous avons fait nos premiers pas sur TikTok et ce fut directement un grand un succès."
Soudal veut développer encore plus de solutions pour aider les gens à économiser sur leurs factures d'énergie. "Avec des produits qui les aideront à isoler encore mieux leur maison, des raccords de fenêtre qui permettront d'intégrer celles-ci de façon parfaitement étanche à l'air, etc. La crise énergétique est dure, mais nous essayons de muer les défis en opportunités." Bref: 'never waste a good crisis', une phrase dont on nous abreuve depuis le début de la pandémie, mais qui recèle une grande part de vérité.
Pour une année où Robaco prévoit également de gros investissements – avec la construction d'un entrepôt supplémentaire et la rénovation de l'atelier d'affûtage –, le défi pour l'entreprise consistera à attirer encore plus de nouveaux clients. Et pas seulement des clients dans notre propre pays, car l'entreprise ressent également chez nos voisins du Nord des besoins auxquels elle peut et veut répondre. Et Robaco n'est pas le seul à oser investir, l'artisan escaliériste Wim Van Loon souhaite lui aussi investir massivement pour continuer à développer son entreprise en 2023. Il veut rénover sa salle d'exposition et a prévu un rebranding complet, incluant un nouveau site web. Il espère donc réaliser de nombreux superbes nouveaux projets.
Ostermann sentant que le contact personnalisé devient encore plus important, l'entreprise veut se concentrer davantage sur son personnel. "Trouver, garder et motiver les collaborateurs est important, mais pas simple. Les gens de la région préfèrent aller travailler à Bruxelles plutôt qu'ici à Liedekerke, et les travailleurs bilingues possédant aussi suffisamment de connaissances techniques sont de toute façon des oiseaux rares." Justifier du personnel supplémentaire auprès de sa maison mère n'est d'ailleurs pas une mince affaire à une époque où les coûts salariaux s'envolent en raison d'une indexation des salaires historiquement élevée. Ce système fait d'ailleurs beaucoup sourciller à l'étranger.
Pour Festool, le défi réside principalement dans le rétablissement de la confiance auprès de ses clients finaux. "Pas par rapport à notre marque heureusement, ils en sont encore fans, mais par rapport à la disponibilité des produits et des machines. Les clients ont heureusement fait preuve de compréhension pour ces problèmes. Ils savaient que les voitures, les lave-linges et d'autres appareils mettaient aussi beaucoup de temps à arriver. Mais maintenant, nous pouvons enfin leur faire sentir à nouveau qu'un produit sera effectivement disponible quand nous le promettons."
En route pour une année 2023 réussie
Pour répondre à la question 'quand 2023 pourra-t-elle, pour vous, être qualifiée d'année réussie?', Marc Demares n'a pas dû réfléchir longtemps. "Ce sera le cas si, à la fin de l'année, nous avons à nouveau des clients satisfaits qui aiment utiliser nos produits. Je me concentre moins sur le taux de croissance que j'ai à l'esprit, mais je cherche constamment de nouvelles façons de mettre les gens en contact avec nos produits. Si vous réussissez à ce que votre produit devienne un standard sur le marché, ce pourcentage s'atteindra de lui-même."
Alain Van der Kuylen sera satisfait si Ostermann réussit à clôturer l'année avec une croissance, aussi limitée soit-elle. En outre, si l'entreprise réussit à poser la première pierre de ses nouveaux bureaux quasi neutres en énergie, l'année sera assurément un succès. Même son de cloche chez Robaco. "Si nous pouvons continuer à enregistrer des chiffres positifs et ainsi poursuivre nos projets d'investissement, notre année sera réussie", déclare Bruno Vermote. "Une année un peu plus stable serait également la bienvenue car ces crises successives pèsent aussi sur le bien-être mental. Dès qu'on entend une nouvelle, elle est négative. Ce serait bien d'entendre à nouveau des nouvelles plus positives."
Un appel à la stabilité que partagent également Wim Verhoeven et Sandy Van Der Vreken. Wim Verhoeven: "Si la stabilité revient sur le marché des matières premières pour que nous puissions continuer à développer efficacement notre marque, et s'il s'avère ensuite que nous pourrons répondre aux rebondissements inattendus à nouveau facilement et avec des produits durables, je serai un homme heureux." Après une année marquée par les problèmes d'approvisionnement, l'année de Sandy sera réussie si son entreprise parvient à fabriquer et fournir à nouveau des machines à des prix stables. Nous sommes très reconnaissants de la confiance que nous accordent nos clients et ils peuvent croire que nous ferons tout pour continuer à la mériter en 2023."
Le spécialiste en aménagement intérieur Van Overstraeten et l'escaliériste Wim Van Loon espèrent quant à eux de nombreux gros projets. "Et d'ores et déjà à des commandes suffisantes pour 2024", ajoute Wilfried Van Overstraeten.
Un conseil en or?
Nous ne serions pas Close Up News si nous ne demandions pas des conseils à nos interlocuteurs. Cela a suscité quelques soupirs car personne ne voulait prétendre détenir la sagesse suffisante, mais après un petit moment de silence, de belles réponses ont tout de même fusé.
"Accrochez-vous surtout à votre identité", entame Alain Van Der Kuylen. "Déjà pendant la pandémie, j'ai vu des entreprises avoir des problèmes parce qu'elles s'écartaient de leur façon habituelle de procéder, en recourant par exemple au report de paiements ou à d'autres mesures de soutien offertes par le gouvernement. Cela leur a souvent causé plus de tort qu'autre chose. Peu importe comment le monde change, restez fidèle à votre vision. Les défis sont temporaires, il ne faut pas toujours s'adapter."
'Ensemble' constitue un mot clé pour Bruno Vermote. "Ensemble, faisons de cette année une année détonante. Si nous vous écoutons attentivement et si vous nous informez également de ce qui se passe chez le client final, nous pourrons réagir ensemble de la meilleure façon possible. Ne gaspillez pas votre énergie à chercher un coupable lorsque quelque chose ne va pas, utilisez plutôt cette énergie pour trouver une solution. C'est une évidence pour nous, mais pourtant, on cherche encore trop souvent des excuses dans notre niche de marché. Arrêtons de le faire, car se rejeter la faute ne nous mènera nulle part."
Wim Verhoeven conseille de toujours rester en mouvement. "Continuez à suivre le marché et examinez comment réagir à son évolution par des innovations. Ces innovations ne doivent pas toujours être de nouveaux produits ou services, il peut aussi s'agir de très petits ajustements, comme commencer à travailler avec des emballages recyclables. Continuez à vous réinventer."
Et surtout, restez fidèle à votre vision à long terme, conclut Marc Demares. "Formulez un objectif à long terme réaliste et continuez à travailler en ce sens. Vos collaborateurs ont une valeur inestimable dans ce domaine, alors impliquez-les. Je pense que la situation devient dangereuse uniquement lorsque vous vous écartez de votre vision parce que vous voulez générer du chiffre supplémentaire rapidement et directement. La route vers cet objectif final n'est pas une ligne droite. Parfois, les circonstances vous feront dévier un peu vers la droite puis vers la gauche, mais en gardant toujours votre objectif à l'esprit, vous pourrez l'atteindre."
Wim Van Loon conseille à ses collègues menuisiers de ne pas trop entreprendre par peur, mais de faire des choix intelligents et de continuer à persévérer. "C'est un métier aux multiples facettes, avec des clients qui ont des attentes toujours plus élevées. La pression est parfois forte, mais persévérez car c'est le plus beau métier qui soit. De plus, il y a de moins en moins d'agenceurs d'intérieurs capables d'offrir à la fois l'expérience et la qualité. Il y a donc bel et bien un besoin." Nous n'aurions pas pu rêver meilleure conclusion.
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