L'utilisation totale des matériaux. WOOD-DESIGN: de flux résiduel à produit de valeur
Estimation de la valeur des résidus de bois
Le bois s'inscrit parfaitement dans une économie circulaire. Il fait déjà partie intégrante d'un processus circulaire par nature, puisque les arbres absorbent le CO2 de l'atmosphère et le stockent. Ce n'est qu'à la mort de l'arbre que divers organismes (par exemple les champignons xylophages) retransforment les liaisons carbone stockées en CO2. Lorsqu’il est exploité judicieusement, le bois peut être utilisé comme une matière première renouvelable et durable. Les flux de bois trouvent toujours une application. Les grumes sont transformées en planches, en papier ou en panneaux, ou elles sont brûlées. Les sous-produits trouvent aussi souvent des débouchés: l'écorce et les copeaux sont populaires dans le secteur des espaces verts, les copeaux de bois sont appréciés dans les écuries, la sciure est transformée en granulés et de nombreux flux résiduels sont convertis en énergie verte par incinération.
Cependant, certains flux (résiduels) ligneux ne bénéficient pas toujours de la meilleure application et nous pourrions encore traiter ceux-ci d’une manière beaucoup plus durable et plus circulaire. Les essences de bois moins courantes, les petits volumes ou le bois de qualité inférieure se retrouvent rapidement sur le marché du bois de chauffage, ce qui entraîne une perte de valeur, sur le plan tant économique qu'écologique. Pour remédier à cela, WOOD-DESIGN a, avec le soutien de Vlaanderen Circulair, mis cinq designers au défi de travailler de manière créative avec les sous-produits de cinq entreprises de bois. Pas moins de 64 candidats voulaient participer à ce projet. BOS+, Flanders DC, Hout Info Bois et Flanders Circular ont eu la tâche difficile de sélectionner seulement cinq d'entre eux. Ceux-ci ont été mis en relation avec des entreprises de transformation du bois du secteur primaire, c'est-à-dire des entreprises spécialisées dans l'exploitation forestière, des scieries et des négoces de bois. En visitant ces entreprises, les designers ont appris à connaître le secteur et les matériaux de fond en comble. Ils ont eu un an pour mettre au point un nouveau produit ou un service innovant en collaboration avec l'entreprise concernée.
Les résultats seront bientôt présentés au grand public, mais nous vous en proposons déjà un avant-goût ci-après.
1. Utilise.objects x Cohout
Derrière le collectif Utilise.objects se cachent les designers Giel Dedeurwaerder et Brent Neve. Tous deux sont profondément intéressés par l'histoire et l'évolution. Ils s'inspirent des arts d'avant-garde russes, de la philosophie japonaise et de l'idéologie danoise. Leurs créations sont synonymes de pureté des matériaux et des formes. Pour eux, un objet doit cependant toujours être fonctionnel. Giel et Brent ont travaillé sur des résidus de bois de peuplier provenant de l'exploitant forestier et négociant en grumes Cohout, établi à Nieuwerkerken dans le Limbourg. Cohout est spécialisé dans le bois de feuillus européen et notamment le peuplier, qui est en grande partie exporté en raison de la faible demande locale pour l’instant.
Ils ont conçu trois objets fabriqués à partir de chutes de troncs d'arbres sciés sur plot. Si ceux-ci sont esthétiques, ils se mettent aussi au service de diverses espèces animales et végétales afin de rapprocher à nouveau l'homme et la nature. Chacun des objets présente à la fois des faces en écorce brutes et fonctionnelles et des côtés esthétiques finement rabotés. La version ‘murale’ constitue un lieu de repos et de nidification idéal pour divers pollinisateurs qui contribuent à favoriser le cycle naturel dans le jardin. La version ‘de sol’ offre quant à elle une protection idéale pour les limaces, les perce-oreilles, les cloportes, les fourmis, les mille-pattes et autres insectes rampants. La version ‘debout’, enfin, constituera le refuge privilégié des papillons, coccinelles, coléoptères et autres insectes ailés.
Le duo est allé encore plus loin avec une installation éphémère pour les villes et communes. Avec le temps, la nature s’emparera de cette installation artificielle à la base pour aider à rendre nos villes et communes plus durables. La verdure permet de rafraîchir, de retenir l'eau, de stocker le carbone et de purifier l'air. Elle a en outre un effet positif sur notre santé physique et mentale. Des arbres abattus issus de la région sont sciés en poteaux abstraits, et des morceaux de peuplier, associés à du compost, servent de couvre-sol idéal. Au bout d'un ou deux ans, les premières plantes germeront et de la mousse se formera, puis la nature s'emparera de plus en plus de l'installation jusqu'à ce que la ville ou la commune dispose d'un élément de verdure supplémentaire créé spontanément.
2. NAUWAU x Marc Goossens
NAUWAU est la création de la designer artistique Rayah Wauters et de l'arboriste Niels Arnauts. Avec cette initiative, ils veulent récupérer le plus possible d'arbres abattus localement et de manière responsable en les utilisant comme éléments de construction plutôt que comme combustibles. Tous ceux qui travaillent avec des arbres ont des flux résiduels qu'ils ne peuvent pas envoyer aux acteurs traditionnels. Essences de bois moins populaires, grosses branches, troncs attaqués par des champignons ou dégâts dus aux tempêtes, etc. NAUWAU pense qu'un esprit ouvert peut mener loin: "Ce bois a beau être rejeté par les clients traditionnels, il y a une nouvelle génération de transformateurs qui attendent une matière première honnête provenant de nos propres contrées, imparfaite ou pas. Du bois massif belge, qui n'a pas eu à traverser plusieurs frontières pour revenir en Belgique sous la forme de bois de construction ou pour meubles."
Ils ont été associés à Marc Goossens, exploitant forestier, négociant en grumes et en bois de chauffage à Westerlo, près d’Anvers. L'entreprise exploite principalement du bois de feuillus et s'intéresse à la valorisation d'essences moins courantes. Le duo a développé ‘Timbr’ qui, selon ses inventeurs, peut être considéré comme le Tinder du secteur du bois, car Timbr relie les arbres aux constructeurs. Cette plateforme met en relation les fournisseurs de bois massif et ceux qui en recherchent. Les professionnels et les particuliers actifs dans le secteur des espaces verts peuvent ici vendre leurs flux résiduels d’une manière simple et efficace à des designers, des menuisiers, des artistes ou des bricoleurs habiles. Et ce via une application qui suggère automatiquement le meilleur lot de bois sur la base de plusieurs de critères (comme l’essence de bois, l'épaisseur, la longueur, le taux d'humidité et l'origine). À côté de cela, Timbr s’utilise pour informer, inspirer et promouvoir l'utilisation du bois de chez nous.
3. Studio Plastique x Vercruysse
Studio Plastique est une collaboration entre les designers Archibald Godts et Theresa Bastek, qui ont fondé ce studio après leurs études à la Design Academy d'Eindhoven. Repenser notre relation avec la nature, les méthodes de production, les cycles des matériaux et les opportunités économiques figure ici au centre des préoccupations. Ils ont travaillé sur des essences de bois sous-évaluées en collaboration avec le négociant en bois Vercruysse, de Gullegem en Flandre occidentale, qui commercialise également des essences de bois moins évidentes.
Studio Plastique a précisément un faible pour ces essences de bois moins évidentes. La forêt est en effet un écosystème doté d’une diversité équilibrée, font-ils remarquer. Nous pouvons la ‘cultiver’ de manière durable, à condition d’embrasser cette diversité. Les plantations sont loin d'être durables, elles perturbent l'équilibre en laissant le champ libre aux parasites et aux maladies. Aujourd'hui, l'industrie de transformation du bois n'utilise qu'un nombre limité d'essences de bois et de grandes quantités de bois de qualité restent inutilisées. Au mieux, celui-ci sera utilisé pour fabriquer du papier. Selon Studio Plastique, l'industrie de transformation du bois et les architectes ont ici un rôle important à jouer. "Au cours de leur formation, architectes et designers apprennent à connaître seulement quelques essences de bois. Quant à l'industrie, elle ne peut travailler de manière rentable qu’en disposant d'un flux de bois constant présentant les mêmes propriétés techniques. En effet, ajuster les processus de production et adapter les réglages des outils et des machines prend du temps et coûte cher."
Par conséquent, les clients ne connaissent que des produits standardisés et industrialisés. Ce à quoi veut remédier Studio Plastique en mettant en avant le potentiel des essences de bois sous-évaluées, et en réduisant la pression sur les essences surexploitées. Ils ont conçu +52, une marche en bois qui peut également servir de chaise de fortune. La particularité de +52 réside dans le fait que cette création n'a pas été conçue pour être toujours produite dans la même essence de bois, mais permet d'utiliser diverses essences locales et mondiales aux propriétés différentes. Grâce à l'épaisseur réglable, le produit fini est toujours suffisamment résistant et le bois ne se courbe pas. D'un point de vue esthétique, cela crée un jeu de couleurs et de textures différentes.
Ellen Comhaire x IDE Woods
Après sa formation de graphiste et son master en éthique, Ellen Comhaire a encore choisi une autre voie. L'envie de contribuer à un monde meilleur et une histoire d'amour avec sa nouvelle perceuse-visseuse sans fil l'ont amenée à choisir la direction qu'elle avait en fait toujours voulu suivre: le design de produits industriels. En tant que pionnière de la biofabrication et de l'économie circulaire, son travail surprend, tant à l’échelon belge qu’au niveau international. Elle a travaillé sur les flux résiduels d'IDE Woods en Flandre occidentale, qui possède la plus grande scierie de résineux de Flandre ainsi qu’une ligne de production de bois abouté.
Ellen Comhaire voulait concevoir quelque chose qui soit à la fois nouveau et circulaire, mais aussi respectueux de l'homme et de la nature. Elle a développé Tranquilitree, des pads qui aident les arbres à traverser en bonne santé les premières années suivant leur plantation. S’il ne faut plus convaincre personne des nombreux avantages qu’offre la plantation d'arbres, beaucoup de gens ignorent par contre que de nombreux arbres meurent au cours des trois premières années suivant leur plantation, déclare Ellen. Durant les étés chauds et secs, cela peut concerner jusqu'à la moitié des arbres plantés. Les pads protègent l'arbre contre la dessiccation et la végétation concurrente en libérant leurs nutriments dans le sol lorsqu'il pleut ou quand on les arrose. Ils sont fabriqués à partir de flux résiduels locaux de faible valeur. L'enveloppe extérieure est ainsi constituée de jute provenant de l’importation de denrées alimentaires. Le contenu varie en fonction de l’espèce d'arbre à protéger, mais se compose essentiellement de déchets de taille et d’élagage locaux. Le nom Tranquilitree fait référence tant aux conditions de vie plus paisibles pour l'arbre au cours de ses premières années à son nouvel emplacement qu’à l'entretien réduit pour celui qui le plante.
5. Frederik Delbart x Thys Hout
Avec son studio, le designer Frederik Delbart est actif dans divers domaines, allant du design de produits à la gestion du changement. Il aide ses clients et leurs marques à aller vers un avenir plus sain, et ce tant pour l'entreprise que pour la société, mais aussi pour notre planète et ses utilisateurs. Il a travaillé sur du bois résiduel provenant de chez Thys Hout à Kapellen, près d’Anvers. La scierie et le négoce de bois produisent beaucoup de bois de chêne résiduel de haute qualité, aujourd’hui commercialisé comme bois de chauffage. Lors de sa visite de l'entreprise Thys Hout, il a vu comment, d'un côté de l'atelier, de magnifiques longues planches attendaient d'être vendues aux commerces spécialisés, tandis que de l'autre côté se trouvaient des palettes de déchets de bois bien rangées, prêtes à être vendues à des prix de dumping et à servir de bois de chauffage. Avec son concept, Frederik Delbart veut montrer que les flux résiduels ne deviennent des déchets que lorsqu’on le décide, et qu'il est également possible de donner une autre orientation à ces flux résiduels.
Croyant fermement à la valorisation de l'artisanat local, il a fait appel à Steven Gauwberg, un ébéniste et menuisier passionné, et initiateur de Houtentiek à Stekene. Ils ont travaillé sur des surplus de chêne séché, les ont dépouillés de leur aubier plus tendre et de leur écorce durcie avant de les poncer et de les coller les uns aux autres. Frederik a dessiné deux collections.
Pour ‘the edges of the tree’, il a seulement utilisé les plus petites pièces, toutes les étapes du processus de sciage de l'arbre en planches s’effectuant en fait ici dans l'ordre inverse, en recollant tous les côtés droits et inclinés. Avec le côté d’about en partie supérieure et inférieure, précisément comme un établi de boucher.
Pour ‘whimsical tree’, il a disposé des pièces plus longues les unes à côté des autres, en laissant la face ‘imparfaite’ visible sur le côté inférieur. Chaque objet de cette collection est unique et requiert beaucoup d'attention et de patience de la part de l'artisan. S’ils sont aujourd'hui conçus comme des planches à découper et des tables basses, ils pourront aussi devenir à l’avenir des tables à manger, sur mesure pour l'utilisateur final. Pour le piètement, Frederik Delbart a opté pour des tubes transparents en verre borosilicate, créant ainsi l'impression que les planches massives flottent.
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