Les cuisines gaies et sans fioritures de Dries Otten
Qui est Dries Otten?
Le chemin menant à la conception de meubles et a l'architecture d'intérieur a été tout sauf rectiligne. Il parle lui-même de vocation tardive. "Enfant, je voulais devenir artiste, mais j’ai fini par suivre une formation de conservateur-restaurateur. Mes parents trouvaient ce choix un peu plus sûr, mais après avoir obtenu mon diplôme, je savais pertinemment que ce n'était pas mon truc."
Il a quitté un emploi entre quatre murs et, avec ses économies et quelques amis du village, a mis le cap sur le Sud.
"Dans le sud de la France, nous avons atterri dans une famille entreprenante qui gérait des chambres d'hôtes et venait d'acheter d'autres maisons dans le village pittoresque. Nous y avons effectué toutes sortes de petits travaux et avons aidé à la restauration des maisons. Plus tard, je suis parti en Italie et dans le sud de l'Espagne, où j'ai à nouveau travaillé dans plusieurs chambres d'hôtes, car c'était apparemment devenu mon métier."
Aimant travailler avec ses mains, il s’est, à son retour, lancé dans la construction de stands pour foires et salons, ce qui lui a permis de décrocher un emploi chez le designer de meubles Yves Dever. "Nous nous sommes rencontrés à Maison&Objet lors du montage de son stand. Il trouvait charmant que j’aie réalisé moi-même une table pour mon nouvel appartement – même si j’ai fait cela de façon très traditionnelle – et j’ai ainsi pu débuter dans son studio. J'y ai fait la connaissance de quelques architectes d'intérieur fraîchement diplômés, je savais enfin ce que je voulais vraiment faire et j’ai repris des études."
Mordu par la conception de meubles contemporains
La formation en architecture d'intérieur à Anvers lui a surtout procuré une vision large et une base solide en architecture, mais il est resté un peu sur sa faim en ce qui concerne la conception d'intérieur et de meubles.
"Heureusement, grâce à quelques excellents ouvrages consacrés au design de meubles belge publiés juste à cette période, j’ai réussi à combler ce manque. Je pense qu'on apprend à concevoir un meuble comme on apprend à peindre. Vous copiez d'abord les grands modernistes et à partir de là, vous écrivez votre propre histoire. Grâce au travail de Huib Hoste, Jules Wabes, Alfred Hendrickx, Pieter De Bruyne et Emiel Veranneman, entre autres, j'avais très envie de poursuivre la tradition. Ici en Belgique, nous semblons trouver tout à fait normal ce qu’ils ont réalisé, mais s'ils avaient été Néerlandais, ils auraient probablement tous eu leur propre musée."
Pendant ses études, Dries a acheté avec quelques amis une combinée avec laquelle il a fabriqué ses premiers meubles. "Il ne s’agit peut-être pas de mes meilleures créations, mais celles-ci racontaient souvent un beau récit. Je me souviendrai par exemple toujours de la table que j'ai pu réaliser pour la fille d’un fermier, à partir d'un tronc d'arbre qu'il avait lui-même coupé. Elle est d’ailleurs toujours là."
Après avoir obtenu son diplôme, il a pu, pour le cabinet B-architecten, concevoir plusieurs expositions au MAS (Museum aan de Stroom). "C'était un environnement stimulant où j'ai pu concevoir non seulement des expositions, mais aussi des décors d’opéra et de théâtre. J'ai appris le meilleur de toutes ces disciplines jusqu'à ce que le moment soit venu de créer mon propre studio."
Studio Dries Otten
Dans son studio, Dries met aujourd'hui principalement l’accent sur le mobilier sur mesure. "La frontière entre l'architecture d'intérieur et la conception de meubles est très floue. Avec les bons meubles, vous pouvez toucher une corde sensible et définir complètement une pièce."
Il aime expérimenter avec les couleurs, les formes et les matériaux, ce qui débouche notamment sur des concepts de cuisines rafraîchissants comme KAARS et STARDUST.
KAARS
La cuisine KAARS se trouve à deux pas de l'Atomium, dans une maison bruxelloise qui a été transformée en duplex.
"Avec ses 40 m², il s’agissait d’une pièce assez spacieuse, mais comme elle devait servir de cuisine, de salle à manger et de living, cela s’apparentait à un véritable puzzle. Je ne voulais pas me limiter aux murs, il ne devait pas s’agir d’une cuisine où vous tournez perpétuellement le dos au living. Afin que la cuisine se fonde joliment dans l'ensemble, elle devait ressembler le moins possible à une cuisine. D'où le choix d'un îlot de forme ronde en noyer d’Amérique avec un plan de travail en terrazzo sur mesure de couleur sombre. La hotte a été intégrée dans un volume de forme identique. Légèrement désaxé, le plan de travail permet de glisser sous celui-ci une petite table à manger et de créer une forme distincte."
L'ensemble respire la sérénité, notamment parce que pratiquement aucun appareil n’est visible. Seul le four est visible, mais il a été soigneusement dissimulé sous la plaque de cuisson, de sorte qu'on ne le voit pas depuis le living.
Les placards-colonnes sont en pin de Pologne, qui a été sablé avant d'appliquer un vernis vert clair. "Cela donne un résultat intéressant car on obtient l'aspect du béton alors que les nervures du bois restent visibles."
Dans la niche renfermant l’évier, le choix s’est à nouveau porté sur du terrazzo, mais cette fois dans une variante plus claire et plus ludique. De nos jours, la réalisation des concepts ne s’effectue plus en interne. Dries fait appel à des ébénistes expérimentés possédant un atelier équipé jusque dans les moindres détails. Dans ce cas-ci, c’est Bart Volckaerts, directeur de Vib interior & construction et beau-frère du maître d’ouvrage, qui s'est chargé de l'exécution.
"J'essaie d'éliminer autant que possible le stress et les tracasseries de ma vie. Collaborer avec des personnes qui partagent les mêmes idées et qui fournissent du travail correct m'y aide énormément. Si le prestige et les structures de pouvoir me rebutent, le respect mutuel et l'empathie rendent la vie tellement plus agréable. Cela implique également qu’en tant qu’exécutant vous devez faire l'effort de répondre au téléphone et aux mails au lieu de remettre cela à plus tard pendant des semaines."
STARDUST
Cette cuisine est située dans une maison bel-étage des années ‘70 dans la périphérie verte d'Anvers. Un bel escalier en colimaçon serpente à travers de grandes pièces lumineuses.
"L'ouverture entre la cuisine et le living a été agrandie et les propriétaires voulaient que les deux espaces soient vraiment reliés entre eux. C'est pourquoi le socle en laiton de l'îlot de forme ronde a encore été installé sur le sol en béton de la cuisine, alors que les placards et le plan de travail dépassent de la ligne séparant les deux espaces." L'îlot, avec son laquage coloré sur du placage de chêne et son béton rose Quantz, définit l'espace.
Contre le mur, on trouve des placards inférieurs en teck, un plan de travail en terrazzo signé Bomarbre aux teintes naturelles ainsi qu’un évier et robinet de couleur noire. Les placards supérieurs ont à nouveau été parachevés avec du placage de chêne verni. "J'aime travailler avec le placage de chêne car il crée de la texture dans la couche de vernis. De plus, en cas de rayure ou de tache, celle-ci se remarque moins parce que la lumière se heurte à la profondeur des nervures." Dans ces placards supérieurs, deux fours sont dissimulés derrière des portes escamotables. "C'est là une solution que nous aimons proposer pour intégrer des cuisines ouvertes dans le living. Il faut alors un espace suffisant car on perd tout de même rapidement une quinzaine de centimètres au niveau des placards."
La fonctionnalité plutôt que la forme?
"Concevoir constitue souvent la moins mauvaise solution", déclare Dries. "Il est clair qu’énormément de choses sont encore possibles", nuance-t-il immédiatement, "mais il y a beaucoup de restrictions dont il faut tenir compte. Comme l'espace physique, mais aussi les fonctions que le mobilier doit remplir. Je ressens cette limitation comme énormément apaisante."
"Je suis donc très heureux de ne pas être finalement devenu un artiste. J’aurais dû faire beaucoup trop de choix. En tant qu'artiste appliqué, vous devez savoir clairement ce dont votre client a réellement besoin et, très souvent, il s'agit de choses différentes de celles qu'il avait initialement à l’esprit. À côté de cela, j'attache une grande importance à tous les aspects pratiques. Un plan de travail en débord, par exemple, s’avère pratique car vous pouvez mettre votre main sous celui-ci pour ramasser les saletés. Un meuble convivial qui répond aux véritables besoins du client, c’est aussi un meuble qui dure longtemps. Nombre de mes clients sont des couples à deux revenus qui doivent tout de même économiser pour s’offrir du sur-mesure, mais qui apprécient et chérissent vraiment leurs meubles. J'accorde assurément de l'importance à l'utilisation de matériaux respectueux de l'environnement. Il s’agit pour moi d’une forme de durabilité qui s’avère également très précieuse et qui me procure beaucoup de satisfaction."
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