Etienne Clinquart : "La menuiserie aluminium a énormément évolué ces 20 dernières années".
Nous nous sommes entretenus avec Etienne Clinquart qui, en tant que CEO de Groven+ et ex-président de la Fédération des Constructeurs d’Aluminium (FAC) connaît parfaitement le secteur. Il a fondé Groven+ en 1998. Ce groupe est spécialisé dans la réalisation de façades VEC, murs-rideaux, châssis, coupoles et travaux de tôlerie aluminium sous toutes leurs formes. Une vision technique joue ici un rôle central, de telle sorte que le groupe a recours aux techniques les plus modernes. Etienne a été président de la FAC pendant neuf ans et peut donc se qualifier d’expert chevronné.
“J’ai toujours trouvé qu’il s’agissait d’un métier très agréable et passionnant et j’ai appris à connaître de tout mon cœur et toute mon pâme tous les aspects du matériau et du secteur. De l’aspect technique à l’aspect commercial en passant par l’aspect financier. En apparence, la menuiserie aluminium est encore et toujours identique, mais il y a toutefois eu énormément de changements au cours des 20 dernières années.”
D’un produit fonctionnel à un système orienté performances
“Dans les années ’80 et ’90, les châssis devaient surtout être fonctionnels. Il fallait pouvoir les ouvrir et les fermer et ils devaient être étanches au vent et à l’eau. Je me souviens encore de l’époque où il n’y avait pas d’unanimité quant à l’utilisation de ruptures thermiques. C’est aujourd’hui impensable mais, à l’époque, tout le monde n’était pas convaincu de l’importance de celles-ci. Vers la fin des années ’90, l'isolation thermique a commencé à devenir une notion toujours plus importante. Les normes et exigences sont devenues toujours plus strictes. Avec la construction passive, des valeurs d’isolation énormes ont été imposées aux menuiseries, associées à des exigences très strictes en matière d'étanchéité à l’air. D’autres thématiques sont venues s’ajouter, comme l’isolation acoustique ainsi que la résistance au feu et à l’intrusion."
Aujourd’hui sont disponibles des menuiseries aluminium qui satisfont à la classe de résistance au feu EI 30 ou EI 60. Au niveau de la résistance à l’intrusion, les menuiseries aluminium atteignent aujourd’hui la classe RC3/4. Contre toute attente, l’aluminium a chaque fois réussi à relever les nouveaux défis. Le transformateur a ainsi été contraint d’endosser de nombreuses nouvelles responsabilités. Il doit garantir que son produit est conforme aux normes en vigueur pour chaque projet spécifique.”
La durabilité au centre des préoccupations
On constate de nos jours que l’on accorde davantage d’attention à la durabilité sous toutes ses facettes. “En premier lieu, les performances des systèmes ont été améliorées afin de devoir moins chauffer les maisons ou les bâtiments et ainsi réduire la facture énergétique. La durabilité tournait autour de cela. Aujourd’hui, on accorde aussi beaucoup plus d’attention à l’origine des matériaux et à leur recyclabilité.”
L’aluminium se heurte ici à quelques inconvénients et préjugés. On ne peut nier que le processus de production est très polluant. “Une pénurie d’aluminium n’est pas pour demain. L’aluminium est produit à partir de bauxite, une roche présente en abondance. Pour l’instant, la transformation de la bauxite en aluminium constitue en effet un processus intensivement énergivore et polluant. D’un autre côté, l’aluminium se recycle facilement et à l’infini. Une boucle cradle-to-cradle est ici parfaitement possible, et c’est la voie dans laquelle nous évoluons. Il existe de nos jours de nombreux producteurs qui, pour certains produits, peuvent garantir que ceux-ci sont fabriqués totalement à base d’aluminium recyclé."
Façades dynamiques
Embarquons un peu pour le futur. Une autre (r)évolution est en marche: l’apparition de façades dynamiques.
“Des façades qui s’adapteront automatiquement à l’environnement, telle sera la prochaine étape dans l’optimisation énergétique. En effet, aucune façade ne fonctionne de manière optimale durant les différentes saisons. La façade sera de plus en plus équipée de gadgets électroniques, de telle sorte que les transmissions de lumière et d’énergie, par exemple, pourront s’adapter aux conditions climatiques extérieures. Cette tendance est déjà visible au niveau du verre. Il existe de nos jours des fabricants qui proposent du verre doté de paramètres variables en fonction de l’incidence de la lumière. En cas de forte luminosité, le verre devient alors plus foncé et réfléchit la lumière. Lorsque l’ensoleillement est moins important, le verre devient alors plus transparent, permettant ainsi une pénétration maximale de la lumière présente. La production d’énergie en intégrant par exemple des cellules photovoltaïques dans la façade constitue une autre tendance en marche.”
L’esthétique devient plus importante que jamais
Les profilés minces sont désormais omniprésents dans le paysage urbain, remarque également Etienne. “On ne peut passer sous silence les élégantes ‘minimal windows’, avec lesquelles nous prêchons en fait en défaveur de notre paroisse parce que celles-ci ne contiennent plus beaucoup d’aluminium”, affirme-t-il en riant.
“Nous pouvons aujourd’hui produire des profilés très minces, mais qui satisfont encore et toujours aux exigences thermiques strictes. C’est devenu un véritable marché de niche, qui nous permet de proposer une bonne alternative à l’acier. À ce niveau, j’ose toutefois affirmer que l’aluminium offre un avantage par rapport au pvc et au bois, des matériaux avec lesquels il est beaucoup plus difficile de réaliser des profilés très minces. Au niveau de la finition, tout est possible avec l’aluminium. La façon dont la qualité des coatings s’est améliorée ces dernières années est vraiment incroyable. Le jaunissement qui se produisait parfois appartient vraiment au passé.”
Une dernière évolution au niveau du design concerne les quincailleries invisibles. “Le montage apparent est révolu; charnières et quincailleries sont aujourd’hui montées de façon invisible, permettant ainsi d’obtenir un résultat sobre très élégant.”
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Automatisation partielle
Vers la moitié des années ’90 ont fait leur apparition les centres d’usinage cnc, entraînant une énorme augmentation de l’efficience des processus de production.
“Le sciage, perçage et fraisage des profilés pouvait désormais s’effectuer de manière informatisée. Aujourd’hui, tout constructeur de portes et châssis qui se respecte dispose d’une ou deux machines cnc dans son atelier. On investit aussi de plus en plus souvent dans l’alimentation et évacuation automatique des profilés ainsi que dans des lignes de montage semi-automatiques. Cependant, la fabrication de portes et châssis aluminium ne peut pour l’instant pas encore s’effectuer de manière totalement automatisée. Les angles doivent notamment être sertis et aucune machine ne peut aujourd’hui le faire d’une manière automatique qualitative. Alors que c’est bel et bien le cas avec le pvc, de telle sorte que la production est encore beaucoup plus efficiente et en grande partie entre les mains de constructeurs de châssis industriels. Le petit transformateur ne produit plus de menuiseries en pvc lui-même.”
Internationalisation et concurrence déloyale
Cela nous amène à l’internationalisation accrue et à la concurrence déloyale qui l’accompagne.
“En effet, les châssis sont de plus en plus souvent achetés dans les pays d’Europe de l’Est. Si tous les châssis et portes étaient encore fabriqués en Belgique il y a 20 ans, ce n’est absolument plus le cas aujourd’hui. Les produits et systèmes qui nous viennent de ces pays ne sont cependant pas toujours d’aussi bonne qualité. Il s’agit de produits ‘low cost’ standardisés qui, par exemple, ne satisfont pas toujours aux exigences PEB belges. Je pense que nous ne pourrons plus infléchir cette tendance, mais la qualité devra bel et bien s’améliorer. Le marquage CE devrait ici aider, mais les chose avancent lentement et cela se fait beaucoup trop sur base volontaire. C’est pourquoi la FAC a créé son propre label de qualité. Nous pouvons ainsi montrer que les produits et systèmes qui arborent ce label sont conformes à toutes les normes et directives en vigueur.”
Déficit de connaissances
Le défi actuel consiste, selon Etienne, à trouver du personnel suffisamment qualifié, disposant de bonnes connaissances techniques de l’aluminium ou présentant du moins un grand intérêt pour ce matériau.
“On a longtemps pensé qu’il serait difficile voire impossible pour l’aluminium de répondre aux exigences en matière de durabilité, mais lorsque vous disposez des bonnes personnes, tout est possible. On tente de combler le déficit de connaissances avec davantage d’informatique et de digitalisation, mais dans le secteur de la construction, on continue tout de même selon moi d’avoir besoin de connaissances professionnelles approfondies dans les ateliers et sur chantier. La FAC organise elle-même aussi des formations pour combler les besoins les plus graves, mais nous devons veiller à cela avec l’ensemble du secteur. Les salaires à l’étranger finiront par augmenter à terme, de telle sorte que davantage de travail nous reviendra. Naturellement, il faudra pouvoir disposer du personnel nécessaire pour absorber celui-ci.”
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