Clement : une organisation stricte au service d’un travail sur mesures plus créatif
“La menuiserie Clement a été fondée en 1962 par mon père”, raconte Pol Clement. “Dès le début, il a été épaulé par ma mère. À l’époque, les gens choisissaient un seul menuisier qui faisait tout lui-même. Mon père fabriquait donc des fenêtres, des portes, des plafonds, des cloisons, des plinthes, des charpentes, des cuisines et du mobilier de tous types. Le point culminant de sa carrière a sans aucun doute été l’aménagement de l’Université de Louvain-la-Neuve. Tandis que se déchaînait le conflit linguistique, il travaillait très dur. À un moment donné, il a eu jusqu’à 50 personnes à son service, ce qui est devenu un peu trop pour lui. Résultat, il a toujours insisté pour que, mon tour venu, je prenne les choses un peu plus calmement”, rit Pol. Papa Clement, resté actif dans l’entreprise jusqu’à son dernier jour, est hélas décédé à Noël dernier. Une grande perte pour cette entreprise familiale chaleureuse.
De la menuiserie générale à la construction d'intérieurs
“À mon tour, j’ai rejoint l’entreprise familiale en 1994, après mes études d’économie et de technologie du bois. J’ai combiné ma passion pour la menuiserie et mon amour pour la cuisine, et nous faisions donc de plus en plus de cuisines. Aujourd’hui, nous réalisons toute une gamme sur mesures pour les particuliers, des hôpitaux, des bureaux et l’horeca.” Pol Clement croit très fort à la force de la spécialisation, et au moins tout aussi fort à la nécessité de suivre sa passion. “Nous confions généralement certaines choses à des sous-traitants, comme les portes intérieures par exemple, mais la rénovation de fenêtres anciennes est l’exception qui confirme la règle. J’ai dans mon équipe un professionnel chevronné qui sait magnifiquement réparer les fenêtres anciennes, et qui est capable d’en réaliser des copies parfaites. Il y met tout son coeur, et c’est vraiment devenu sa spécialité.” On voit en effet dans l’atelier de superbes fenêtres à guillotine destinées à un immeuble classé près de l’Atomium.
Travail de valeur
La menuiserie Clement se consacre au mobilier spécial, à des projets qui n’ont rien d’évident. Des projets qui représentent un défi, pour des clients qui savent estimer à leur juste valeur le travail et les matériaux employés. “Je suis par exemple fier d’avoir pu aménager la plupart des restaurants Exki”, déclare Pol. “Depuis quelques années, nous nous occupons aussi d’aménager des cabines de radiothérapie. Avec un pincement au coeur, mais ce travail a une grande valeur. C’est la possibilité d’aménager des espaces dans lesquels des vies humaines sont sauvées tous les jours.” Clement réalise aussi du travail sur mesures pour les particuliers.
“C’est une clientèle qu’on voit souvent comme le dessus du panier, mais je n’aime pas cela. Ce sont avant tout des clients qui attachent beaucoup d’importance à leur intérieur sur mesures, et qui sont également prêts à économiser pendant un certain temps pour l’obtenir. Enfin, nous avons aussi noué de bonnes relations avec quelques architectes et s d’intérieur. Ils savent bien de quoi nous sommes capables et comment nous travaillons, et font régulièrement appel à nous. Pour nos clients fidèles, nous nous montrons aussi très flexibles. Nous pouvons travailler le soir, ou même tout un week-end, si un projet doit absolument être achevé.” Quant à savoir si ses collaborateurs sont enthousiastes à cette idée, Pol répond résolument par l’affirmative. “Mes collaborateurs se sentent impliqués et sont heureux de pouvoir apporter une contribution appréciable. La flexibilité fonctionne naturellement dans les deux directions. C’est ainsi que, durant le carnaval, je me retrouve pratiquement seul !”
Automatiser intélligemment
En 2000, Clement a investi pour la première fois dans une machine CNC. Puis il franchit, en 2010, un grand pas vers un processus de production automatisé. “La robotisation a fait son entrée chez nous avec un entrepôt de panneaux automatisé. Nous avons commencé à piloter le processus de production à partir du bureau, et à réfléchir sérieusement à l’industrie 4.0. Nous tentons d’avoir des machines qui parlent davantage entre elles qu’avec nos collaborateurs, mais il nous reste encore beaucoup à faire. L’entrepôt automatisé pour les panneaux communique déjà avec l’unité de sciage, et ce sera bientôt le tour de la colleuse de chants.” La technologie évolue à une vitesse folle, mais Pol Clement garde la tête froide. “Lorsque des technologies nouvelles croisent notre chemin, nous regardons ici en interne, en petit comité, si cet équipement a sa place dans notre processus, et de quelle manière. C’est ce que nous avons fait récemment par exemple, avec la technique de nesting. Pour quelles applications pourrait-elle nous être utile, ou non ? Quel gain de temps permettrait-elle ? Pouvons-nous réaliser un retour sur investissement suffisant ?
Façaces au design particulier
Chaque fraisage est programmé individuellement. La réalisation sur la machine a pris 3/4 d’heure par façade, et celles-ci sont ensuite finies à la main pour un look brut plus affirmé, puis traitées à la chaux et au vernis mat
Le préparateur de travail, maillon essentiel
Les machines ne sont que la moitié du trajet, un bon logiciel est essentiel lui aussi. “Nous avons parcouru un long chemin dans ce domaine. Nous avons essayé différents logiciels avant de trouver celui qui correspondait à l’ADN de notre entreprise.” Pol Clement a découvert dans la douleur que le préparateur de travail est aujourd’hui un élément crucial du processus. “À l’époque, j’avais fort heureusement un collaborateur extrêmement compétent qui a parfaitement mis au point et implémenté le logiciel. Lorsqu’il a soudain été débauché par une entreprise concurrente, nous avons eu des moments très difficiles. Aujourd’hui, j’ai deux préparateurs de travail pour assurer la continuité dans ce domaine. Et c’est un conseil que je donne volontiers à chacun depuis lors.”
Une organisation stricte
Clement entend se différencier grâce à une organisation très stricte. “J’ai recruté en 2018 quelqu’un qui s’occupe de manière très intensive de nos processus d’entreprise. Nous essayons de nous tenir très strictement à notre planning, même si c’est un véritable challenge. Nous avons investi dans un logiciel ERP afin de pouvoir poursuivre l’optimisation de nombreux processus. L’élaboration très pointue des prix de revient prend une importance croissante. La concurrence en augmentation, dans notre pays comme en provenance des pays à bas salaires, nous oblige à affûter notre politique des prix. Nous avons donc repris notre logistique de très près. Aujourd’hui, il n’est plus question de faire rapidement un tour au magasin de métal. Nous essayons de minimiser nos déplacements, et nous choisissons résolument le marché bruxellois. Nous sommes devenus beaucoup plus stricts en ce qui concerne les délais de paiement, et nous ne nous lançons plus avec des instances ou des entrepreneurs qui payent avec beaucoup de retard. Nous tentons de séparer le bon grain de l’ivraie.”
Du dessin à la réalisation
Pol Clement se charge de la vente, un processus qui commence avec un premier dessin. “Il s’agit généralement d’un rapide SketchUp. Le préparateur de travail réalise ensuite un dessin détaillé, dès le début du projet. C’est la justesse de ce dessin technique qui fait la réussite – ou non – de tout le flux ultérieur. Nous savons précisément ce que nous devons commander pour chaque projet. Nous planifions l’utilisation des machines, et qui réalisera quelle tâche à l’atelier. De temps en temps, nous précisons tous les détails durant la phase du devis, ce que nous associons à une évaluation détaillée des heures de travail : nous arrivons ainsi à une estimation très précise du prix. En vérifiant la justesse de nos estimations une fois le projet achevé, nous avons toujours plus de prise sur notre processus de production.” L’équipe compte à ce jour 18 collaborateurs. “Ils sont neuf à l’atelier, six poseurs, deux préparateurs de travail et un peintre au pistolet.” Il n’est pas surprenant que la recherche de personnel soit difficile pour cette entreprise aussi. “Nous essayons de dénicher des talents et de les aider à se déployer en proposant des stages et des jobs de vacances. Nous nous orientons vers la diversité, et nous sommes à la recherche de personnes adaptables et polyvalentes, des switchers. Aujourd’hui, il faut être prêt à former soi-même ceux qui vont travailler pour vous. Avec les réformes annoncées de l’enseignement, qui accordera encore moins d’attention aux matières pratiques, cela deviendra encore plus difficile !”
Forts ensemble
Clement fait beaucoup de choses par lui-même. “Je trouve passionnant de travailler avec différents matériaux, du bois massif au placage, en passant par le Solid Surface. Nous assurons également la mise en peinture nous-mêmes. Nous confions les portes sur mesures à un autre professionnel, tout comme le travail complexe de collage et éventuellement le post-formage. En revanche, ce sont eux qui font appel à nous pour des activités dans lesquelles ils ont moins d’expertise. Ce type de collaboration nous permet de faire contrepoids à la concurrence déloyale. Les négociants en bois, par exemple, vendent de plus en plus fréquemment à des poseurs professionnels des produits finis ou des kits faciles à monter. En soi, cela ne pose pas de problème, mais ils peuvent travailler à des tarifs plus avantageux parce qu’ils relèvent d’un comité paritaire dont les charges salariales sont moins élevées. Ils n’ont notamment pas à tenir compte du congé intempéries. Il est navrant que les acteurs d’un même secteur soient taxés de manière inégale et se retrouvent ainsi en concurrence.”
Production durable
Pour l’entreprise, trouver une manière plus responsable de travailler et de produire du point de vue environnemental est une priorité. “Même si aujourd’hui nous nous situons plutôt bien à cet égard, je veux un tri encore plus strict à l’atelier. Personnellement, je trouve désolant qu’on attache aussi peu d’importance à ce genre de chose sur les chantiers. Dans le meilleur des cas, tout va tout simplement dans un seul grand conteneur. Quant à nous, aujourd’hui nous générons de la chaleur avec nos déchets de bois mais, à terme, nous passerons vraisemblablement à l’énergie solaire. Je veux aussi revoir notre parc automobile. Par ailleurs, nous constatons qu’on nous demande de plus en plus souvent des matériaux de récupération, comme le barnwood.” À long terme, Pol Clement envisage de déménager. “Nous sommes actuellement en train de rénover nos bureaux, mais je rêve quand même de trouver un autre site.”
Pour finir, Pol Clement souhaite dire qu’il est particulièrement fier de ce dont le secteur est capable en Belgique. “Nous avons un beau métier, et nous sommes au top en Europe. D’une part en raison de l’automatisation, mais surtout grâce au trésor de connaissances professionnelles que nous possédons, et à la qualité de nos finitions. J’espère que nous serons capables de conserver un esprit collégial. On peut beaucoup seul, mais on est plus forts ensemble. J’espère aussi que nous pourrons continuer à déployer notre talent d’une manière qui a du sens. Nous n’avons pas le droit d’avoir peur du changement, ne plus avancer c’est reculer ! Et parfois, il faut tout simplement sauter.”
Comptoir d'accueil en Solid Surface
Clement a doté le 4e étage de l’immeuble Flagey d’un comptoir d’accueil réalisé en Solid Surface Staron. “Nous avons muni ce comptoir d’un éclairage. Sur le dessus, nous avons gravé une vue de la place Flagey. Du MDF, posé sous le panneau de Solid Surface, crée un beau contraste. Le comptoir ne pouvait monter au 4e étage que par l’escalier, nous avons donc ensuite dû faire beaucoup de montage et de ponçage sur place.”
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